2.1 Croissance et santé des cultures

 

Protection des cultures contre les vents

2.1 croissance et santé des cultures

 

Protection des cultures contre les vents

Une culture exposée aux vents subit des stress qui peuvent affecter le rendement et la qualité.

Dans les champs non protégés, le vent peut engendrer différents stress et dommages sur les cultures, et affecter du même coup les rendements obtenus et la qualité des récoltes. Les végétaux exposés au vent sont généralement plus petits et plus compacts et posséderaient moins de feuilles26. Ils tendraient aussi à développer davantage leur système racinaire pour mieux s’ancrer au sol, ce qui détournerait une partie de l’énergie nécessaire à la croissance des parties aériennes. Le vent engendre par ailleurs des dommages directs aux cultures. Sous l’action du vent, les plantes peuvent se frotter les unes contre les autres, subir l’effet abrasif des particules de sol transportées et voir leurs feuilles déchirées47. De tels phénomènes augmentent les pertes en eau et les risques d’entrée de pathogènes. L’abrasion peut également compromettre la qualité et le rendement des fruits et légumes. Le vent peut aussi contribuer au phénomène de verse des cultures et conduire ainsi à une perte de rendement et de qualité qui est variable selon le stade de développement durant lequel la culture subit le phénomène26.

L’effet brise-vent des arbres diminue certains stress aux cultures.

Le vent peut contribuer au phénomène de la verse et ainsi occasionner des pertes de rendement et de qualité dans les cultures.

 

Crédit : Cécile Tartera

Protéger judicieusement les cultures contre les vents est une option gagnante.

L’efficacité des haies brise-vent dépend de leur porosité et de leur composition.

Beaucoup d’incertitude demeure quant à l’impact qu’auront les changements climatiques sur les vents au Québec, mais les impacts négatifs actuels du vent sur les cultures sont bien réels et protéger celles-ci du vent paraît être une option gagnante, quelle que soit l’évolution future du régime de vents.

L’implantation de haies brise-vent sur la ferme est une manière efficace de protéger les cultures contre les stress et dommages induits par le vent. Les bénéfices apportés par les haies à cet égard sont cependant variables d’une année à l’autre et selon la porosité de la haie. Par exemple, la présence d’une haie peut ainsi prévenir des dégâts importants lors d’une année de vents violents et avoir un impact moins notable durant des années normales.

Pourcentage de réduction de la vitesse du vent (par rapport à la vitesse initiale de ce dernier) généré par la haie, en fonction de la distance par rapport à la haie brise-vent et sous différentes porosités (La distance est exprimée en multiples de H, où H est la hauteur de la haie brise-vent).

 

Crédit : Adaptation de Cleugh (1998) d’après Wang et Tackle (1997)

La hausse des températures dans les prochaines années profitera à plusieurs cultures, mais aura des désavantages probables pour d’autres productions.

Au cours des prochaines décennies, on s’attend à une hausse des températures dans l’ensemble du Québec. Cette hausse devrait être bénéfique pour plusieurs cultures et certaines d’entre elles seront peut-être produites dans des régions où cela n’était auparavant pas possible. L’augmentation des températures pourrait au contraire porter préjudice à la santé des animaux soumis à des stress importants dus à la chaleur, ce qui diminuerait la productivité au sein des élevages. Parce qu’elle permet dans une certaine mesure de modifier les températures dans les parcelles, l’agroforesterie peut être utilisée judicieusement pour maximiser les avantages et diminuer les inconvénients entraînés par cette hausse des températures.

 

 

 

Modulation de la température

Modulation de la lumière

 Protection des cultures par un meilleur couvert neigeux

Une bonne gestion des haies peut limiter les effets de la compétition pour la lumière.

 

La disponibilité de la lumière est un élément important à prendre en considération dans la gestion d’un système agroforestier. Sous un climat tempéré et relativement humide comme celui du Québec, il semble que la compétition pour la lumière soit le facteur le plus limitant vis-à-vis du rendement des cultures dans les systèmes agroforestiers57. La présence d’arbres au sein des parcelles vient effectivement affecter la quantité de lumière reçue par les cultures, mais avec un effet variable en fonction de l’arrangement spatial des arbres au sein ou en bordure de la parcelle, des caractéristiques des arbres (hauteur et largeur des arbres, porosité de la cime, etc.), de la maturité du système et du moment de la journée ou de l’année. L’entretien effectué dans les systèmes agroforestiers (taille de formation, élagage, éclaircies) influe également grandement sur la quantité de lumière qui est captée par les cultures (voir Annexe) et est crucial pour maintenir une bonne cohabitation entre les arbres et les cultures.

En affectant la couverture neigeuse, les aléas climatiques risquent de compromettre la survie de certaines cultures.

 

Selon les prédictions climatiques actuelles, la hausse des températures hivernales dans le sud du Québec devrait réduire l’épaisseur et la durée de maintien de la couverture de neige dans les champs. La réduction possible de la protection par la neige des cultures est préoccupante pour certaines régions. Les redoux devraient en effet être plus fréquents et les précipitations tomber plus souvent sous forme de pluie durant l’hiver. Si la couverture neigeuse est éliminée, une telle situation risque d’affecter négativement le taux de survie des cultures fourragères qui seront alors moins bien isolées du froid, exposées à la dessiccation induite par les vents hivernaux et parfois recouvertes par des couches de glace qui pourraient asphyxier les cultures et endommager leur système racinaire5. Parce qu’elles sont plus sensibles aux conditions hivernales, des espèces comme la luzerne et le dactyle pelotonné devraient être particulièrement affectées par les changements à venir6. Les céréales d’hiver et les cultures de couverture devant persister durant l’hiver devraient aussi faire face aux mêmes risques.

Des haies brise-vent bien adaptées favorisent la rétention d’une couche de neige optimale.

 

Pour mieux protéger ces cultures face aux conditions futures, il est possible d’avoir recours à un des avantages apportés par les haies brise-vent (et dans une moindre mesure par les systèmes agroforestiers intraparcellaires), soit leur capacité à favoriser l’accumulation de la neige dans les champs. La réduction de la vitesse du vent dans les haies brise-vent permet effectivement à la neige de se déposer dans la zone protégée. La distribution de la neige dans le champ dépendra alors de la porosité de la haie, une haie plus poreuse entraînant une répartition plus uniforme de la neige dans la parcelle, alors qu’une haie moins poreuse pourrait engendrer une plus grande accumulation de neige de part et d’autre de la haie11.

Les cultures ne réagissent pas toutes de la même façon à l’ombre dans les systèmes agroforestiers.

 

Certaines cultures comme le soya, l’orge et le blé peuvent tolérer un certain degré d’ombre sans que leur croissance soit affectée, alors que la croissance d’autres types de plantes, comme le maïs, est étroitement liée à la quantité de lumière reçue32, 63. Parallèlement à cela, on observe que certaines plantes arrivent à mettre en branle des mécanismes pour mieux s’ajuster à la présence d’ombre (augmentation de la surface des feuilles, modification du contenu en chlorophylle, etc.)3.

 

En période de forte canicule ou de sécheresse prolongée, l’ombrage modéré apporté par les systèmes agroforestiers intraparcellaires pourrait diminuer les températures de l’air et du sol, limitant ainsi les stress thermiques et hydriques subis par les plantes, de même que l’évaporation de l’eau. Différentes études rapportent par ailleurs une amélioration de la qualité nutritive des fourrages au sein de ces systèmes13. L’amélioration de la qualité des fourrages est intéressante sachant qu’une méta-analyse révèle que la hausse des températures devrait conduire à une baisse de la qualité nutritive des fourrages à l’échelle mondiale38.

 

L’entretien adéquat des arbres permet notamment de limiter la compétition pour la lumière entre les arbres et les cultures.

 

Crédit : Cécile Tartera

    • Durant la saison de croissance, les cultures pourraient bénéficier d’une maturité plus précoce.

     

    Pour les cultures qui apprécient la chaleur, des haies brise-vent peuvent être implantées en bordure des champs afin d’augmenter encore quelque peu la température dans les parcelles durant le jour12. La chaleur accrue dans la zone protégée par la haie est associée à une augmentation des degrés-jours de croissance, ce qui permettrait une germination plus hâtive des semis et une maturité précoce des cultures11. Ce faisant, les stades critiques du développement de certaines cultures s’effectueraient avant les périodes de déficit en eau durant la saison estivale, lesquelles devraient être plus marquées dans les prochaines décennies en raison des changements climatiques. Une maturité précoce des cultures peut également présenter un avantage décisif pour certaines entreprises (par exemple la vente de primeurs pour les producteurs maraîchers, l’augmentation du nombre de récoltes annuelles pour des cultures à croissance rapide comme la laitue, etc.). La hausse des températures est finalement associée à un meilleur remplissage du grain dans la production de certaines céréales11, 48.

     

    Vu les canicules annoncées, il convient néanmoins de veiller à ce que le microclimat engendré par la haie n’occasionne pas des températures supérieures à celles tolérées par les cultures présentes au sein de l’entreprise agricole11, 48. Les végétaux ont en effet tous des spectres de températures optimales distincts qui doivent être pris en compte pour maximiser l’efficacité du système agroforestier implanté. Contrairement aux haies brise-vent, les systèmes agroforestiers intraparcellaires entraînent généralement des baisses légères de température qui peuvent également être mises à profit. La pratique du sylvopastoralisme, où les animaux peuvent paître sous des arbres disséminés sur les parcelles, donne alors la possibilité aux animaux d’aller s’abriter à l’ombre des arbres durant les épisodes de chaleur intense et d’ainsi mieux réguler leur température corporelle (voir section 2.4. Santé et bien-être animal).

    • En période de risques de gel, des haies bien aménagées et des arbres bien placés sont des alliés des cultures.

     

    Les modifications de températures induites par les systèmes agroforestiers peuvent également être utilisées à bon escient aux époques de risques de gel. Les haies brise-vent offrent une certaine protection aux cultures contre le gel lors du passage de fronts froids, à condition que ceux-ci se déplacent rapidement et que la baisse de température qu’ils occasionnent ne soit pas trop importante (l’effet protecteur des haies serait manifeste si les températures ne descendent que de quelques degrés sous le point de congélation). Les haies brise-vent pourraient toutefois avoir un effet négatif sous certaines conditions, par exemple lors de nuits claires, lorsque le vent est léger. Bénéficiant moins des apports de chaleur apportés par le vent, l’air immobile dans la zone protégée pourrait alors être amené à se refroidir plus rapidement, ce qui augmenterait les risques de gel11. La présence d’une haie dans une pente peut aussi empêcher l’air froid de s’écouler adéquatement le long de la pente et ainsi augmenter les risques de gel dans la zone située en amont de la haie. Ces deux inconvénients potentiels peuvent néanmoins être réduits en maintenant une porosité adéquate dans la haie, ce qui facilite une circulation correcte de l’air64.

     

    Dans les systèmes agroforestiers intraparcellaires, la circulation plus fluide du vent dans les parcelles et l’effet protecteur des arbres face aux pertes de chaleur nocturnes devraient entraîner une réduction des risques de gel. On rapporte notamment une meilleure protection face au gel des plantes fourragères22 et une conséquente extension de la saison de pâturage dans les systèmes sylvopastoraux25.

La réduction du vent à proximité des arbres peut faciliter le vol de certains prédateurs comme les oiseaux insectivores ou les chauves-souris.

 

Crédit : Cécile Tartera

Les changements climatiques vont probablement aggraver les problèmes de ravageurs au sein des cultures.

 

Au Québec, on prévoit en effet une augmentation du taux de croissance et du nombre de générations par saison de certains ravageurs, une extension vers le nord de l’aire géographique de certains insectes ennemis des cultures et une augmentation du taux de survie hivernale de certaines espèces26.

Les systèmes agroforestiers favorisent la présence d’organismes

alliés des cultures.

 

Les impacts spécifiques du microclimat engendré par les systèmes agroforestiers sur les populations d’insectes n’ont pas fait l’objet de beaucoup d’études; toutefois, il semble clair que ces populations sont affectées par des facteurs comme le vent, la température, la luminosité et l’humidité et que certaines espèces aient des préférences microclimatiques53, 56. Le vent aurait tout d’abord un impact sur la distribution des insectes dans les parcelles. Les insectes volants, qu’ils soient ravageurs, prédateurs ou parasitoïdes, peuvent ainsi être transportés par le flux de vent qui passe au-dessus des haies brise-vent, puis être déposés dans la zone protégée du vent, où leurs déplacements sont généralement facilités24, 53. La réduction du vent à proximité des haies faciliterait également le vol de certains vertébrés insectivores comme les chauves-souris ou certains oiseaux21.

 

Globalement, il semble que les systèmes agroforestiers s’inscrivent bien dans une approche de lutte intégrée. On dénombrerait généralement plus d’insectes bénéfiques (prédateurs et parasitoïdes) dans ces systèmes.

 

 Protection contre les ravageurs

Les milieux peu diversifiés étant particulièrement vulnérables aux infestations d’insectes, l’agroforesterie conférerait une plus grande résilience face aux ravageurs sur la ferme, par l’accroissement de la biodiversité qu’elle entraîne21, 56.

La présence d’arbres parmi les cultures peut favoriser la présence d’insectes ennemis naturels des ravageurs Ces derniers peuvent y retrouver des sources de nourriture, un habitat qui leur est favorable et un milieu de vie protégé des vents où leur vol est facilité.

 

 

Influence de la porosité d’une haie brise-vent sur la répartition de la neige dans un champ. (La distance est exprimée en multiples de H, où H est la hauteur de la haie brise-vent.)

 

Source : Brandle et coll., 2004

Dans la lutte aux ennemis des cultures, les haies brise-vent permettent également de procéder à des applications plus efficaces de pesticides et de limiter leur dérive dans les parcelles ou propriétés adjacentes. Dans un champ exposé au vent, les pertes associés à la pulvérisation peuvent atteindre 50 %22. Or, dans la lutte aux ennemis des cultures, les haies brise-vent permettent de procéder à des applications plus efficaces de pesticides et de limiter leur dérive dans les parcelles ou propriétés adjacentes. La réduction des vents dans la zone protégée fait effectivement en sorte que les traitements pulvérisés soient appliqués de façon plus ciblée8, 22. La réduction de la vitesse du vent fait également en sorte que le nombre de jours où il est possible de procéder aux applications est augmenté22. Ces éléments pourraient permettre de lutter plus efficacement contre la hausse probable des ravageurs des cultures suite aux changements climatiques.

 

Amélioration de la pollinisation

Le microclimat généré par les systèmes agroforestiers pourrait améliorer la pollinisation au sein des cultures dépendantes des services des pollinisateurs.

  • ▼ Des perturbations de la santé et de l’efficacité des pollinisateurs sont à craindre à cause des changements 
         climatiques : il faut donc prévoir des mesures adaptatives.

     

    L’impact des changements climatiques sur les pollinisateurs laisse place à beaucoup d’incertitude actuellement. Plusieurs chercheurs avancent que les changements climatiques entraîneront des modifications dans la survenue des différentes phases de développement des végétaux (par exemple la période de floraison)17, 36, 37. L’activité des pollinisateurs devrait également être influencée par les changements climatiques, des températures printanières plus élevées pouvant par exemple conduire les abeilles à sortir de leur ruche plus tôt au printemps. Or, de tels changements sont susceptibles d’entraîner un décalage temporel entre les phases de développement des plantes et l’activité des pollinisateurs, ce qui pourrait avoir des impacts autant sur les pollinisateurs que sur la pollinisation des cultures. Sous un climat changeant, les pollinisateurs seraient également affectés par la présence de nouveaux types de prédateurs, parasites et maladies37 et davantage touchés par les problématiques les affectant déjà (des automnes plus doux, par exemple, entraîneraient la multiplication de certains parasites de l’abeille dans les ruches et réduiraient ainsi les taux de survie des colonies durant l’hiver). Face à ces risques, la mise en place de mesures adaptatives pour protéger les services de pollinisation sur la ferme est donc essentielle, particulièrement dans les cultures qui sont plus dépendantes des pollinisateurs.

  • ▼ L’aménagement de systèmes agroforestiers s’avère efficace pour protéger les pollinisateurs.

     

    Différentes études rapportent que le microclimat généré par les systèmes agroforestiers aurait des effets favorables sur la pollinisation. Les insectes pollinisateurs seraient d’abord plus abondants dans les zones protégées du vent8. Une telle abondance pourrait être liée au microclimat, mais également à la présence d’habitats plus favorables pour les pollinisateurs indigènes dans les milieux non cultivés, notamment ceux où il y a présence d’arbres42. De plus, en agissant comme des barrières, les haies contribuent à la réduction de la dérive des pesticides dans la zone protégée des vents, ce qui diminuerait les taux d’intoxication de l’abeille domestique et des insectes pollinisateurs indigènes8. Les insectes pollinisateurs bénéficieraient également de l’humidité accrue qu’on retrouve à proximité et au sein des aménagements agroforestiers, et ce, particulièrement durant les périodes de sécheresse. Par ailleurs, l’activité des pollinisateurs indigènes et domestiques serait augmentée dans la zone d’accalmie puisque leurs déplacements sont facilités sous un vent réduit47. Le microclimat créé dans les zones protégées permettrait en outre de prolonger la période de floraison dans les vergers47. Conséquemment, le microclimat généré par les systèmes agroforestiers pourrait conduire à une hausse de la fructification au sein des vergers, des bleuetières et des fermes maraîchères. On peut donc anticiper que les services apportés par les pollinisateurs au sein des systèmes agroforestiers entraîneraient des bénéfices économiques pour certains types d’entreprises, grâce à l’obtention de meilleurs rendements ou à la réduction des frais de location de ruches.

2.2 Gestion et conservation de l’eau

 

Évapotranspiration et disponibilité en eau

    • On prévoit une augmentation du stress hydrique subi par les cultures et une diminution de l’eau
      disponible sur les fermes.

     

    Les changements climatiques auront des impacts notables sur la gestion et la conservation de l’eau sur la ferme. Bien qu’on prédise que le niveau total de précipitations demeurera sensiblement le même en été au Québec, la distribution des précipitations sera amenée à changer, avec des épisodes de pluies plus intenses qui devraient être séparés par des périodes de sécheresse plus ou moins longues. Or, lors des pluies intenses, l’eau ne parvient pas à s’infiltrer suffisamment rapidement dans le sol et l’excédent est alors évacué de la parcelle par ruissellement, ce qui limite la recharge du sol en eau. Par ailleurs, sous des températures accrues, les pertes d’eau par évaporation du sol et par transpiration des plantes seront probablement plus élevées. Ces phénomènes risquent d’entraîner une augmentation du niveau de stress hydrique subi par les cultures et une diminution de la disponibilité en eau sur la ferme, ce qui devrait avoir des répercussions négatives sur la productivité des cultures.

    • Les systèmes agroforestiers améliorent la conservation de l’eau sur la ferme.

     

    De manière générale, les systèmes agroforestiers tendent à limiter l’évaporation d’eau au sol, ce qui devrait être bénéfique pour la conservation des ressources en eau sur la ferme sous un climat plus chaud. Cela s’explique notamment par le fait que l’évaporation de l’eau du sol est réduite à l’ombre des arbres19, 22. Les bénéfices entraînés par ce phénomène seraient particulièrement manifestes dans les systèmes agroforestiers intraparcellaires, où l’ombre est répartie de façon plus régulière au sein des parcelles. Les haies brise-vent entraîneraient pour leur part une légère augmentation de l’humidité relative de l’air dans la zone protégée des vents22, 41, réduisant ainsi également les pertes d’eau par évaporation du sol11, 54. En outre, comme les cultures protégées des vents tendent à être plus vigoureuses, leurs feuilles plus larges protégeraient mieux le sol des rayons du soleil, ce qui pourrait diminuer les pertes d’eau au sol par évaporation.

En réduisant l’évaporation de l’eau au sol, l’ombre apportée par les arbres des systèmes agroforestiers intraparcellaires pourrait favoriser la conservation des ressources en eau sur la ferme. Un tel avantage peut s’avérer crucial lors de canicules ou de périodes de sécheresse prolongées.

 

Crédit : Alain Cogliastro

L’impact du microclimat engendré par les systèmes agroforestiers sur la transpiration des plantes est  plus incertain.

Le processus de transpiration est complexe et est influencé par différents facteurs microclimatiques (vent, luminosité, température, humidité, etc.) qui sont amenés à changer dans les systèmes agroforestiers19. On sait ainsi d’une part que la transpiration des cultures est généralement réduite à l’ombre des arbres19, 22. À l’abri des haies brise-vent, on constate aussi que la réduction de la vitesse du vent entraîne moins de dommages aux cultures et diminue dès lors les pertes en eau qui en résultent (en plus de perdre de leur sève, les plantes endommagées arrivent moins bien à réguler leur transpiration)20. D’autre part, comme les cultures protégées des vents tendent à avoir des feuilles plus larges, la surface par laquelle elles peuvent transpirer est plus importante et cela pourrait accroître les pertes d’eau par transpiration48. L’humidité accrue qu’on retrouve dans la zone protégée des haies brise-vent entraînerait pour sa part des impacts variables sur la transpiration des cultures, en fonction notamment des conditions climatiques, de la disponibilité en eau et du type de cultures12, 19, 48.

 

Effets positifs sur les rendements, notamment en période sèche

 

Tout comme certaines études rapportent une baisse totale de l’évapotranspiration dans les systèmes agroforestiers, des mesures au champ ont permis de mettre en évidence une baisse de l’évapotranspiration dans des cultures de blé protégées par des haies brise-vent en Italie14.

 

Il serait avantageux de conduire plus de recherches sur ce thème pour en dégager des conclusions plus claires.

Évapotranspiration (ET) (en millimètres) en fonction de la distance de la haie brise-vent (la distance est exprimée en multiples de H, où H est la hauteur de la haie brise-vent)

 

Crédit : Campi et coll., 2009

 

En dépit de ces incertitudes, il importe de mentionner que différentes études rapportent que les rendements de plusieurs cultures cultivées dans des systèmes agroforestiers sont accrus durant les années plus sèches33, 48, 63. De plus, les effets positifs des haies brise-vent pourraient se manifester davantage dans les zones où la croissance des plantes est limitée par les pénuries d’eau59. Une étude nord-américaine visant à modéliser et prédire l’impact des changements climatiques sur les rendements du maïs (en considérant l’effet de la température, des précipitations et du vent) prévoit finalement qu’à l’abri de haies brise-vent, le rendement du maïs devrait être plus important lors des années sèches par rapport aux années plus humides23. Considérant les déficits hydriques estivaux annoncés au Québec, on peut ainsi penser que les bénéfices apportés par les systèmes agroforestiers pourraient être plus manifestes au cours des prochaines décennies.

Irrigation en fonctionnement dans la culture de haricot

 

Crédit : IRDA, 2009

 

Pour faire face aux déficits hydriques actuellement prédits durant l’été et réduire les stress hydriques vécus par les plantes, il importe de bien gérer les ressources en eau sur la ferme. La réduction de la vitesse du vent entraînée par la présence de haies brise-vent pourrait notamment permettre une meilleure efficacité de l’irrigation par aspersion. Des applications d’eau plus précises et réparties uniformément sur les zones cultivées aideraient à combler les besoins en eau de l’ensemble des cultures sur la parcelle, tout en réduisant les quantités totales d’eau utilisées.

 

Meilleure efficacité des systèmes d’irrigation par aspersion

2.3 Gestion et conservation des sols

 

Les changements climatiques vont augmenter l’érosion hydrique et l’érosion éolienne du sol

Au Québec comme dans beaucoup d’autres endroits dans le monde, les sols subiront des pressions notables en raison des changements climatiques. Dans les prochaines décennies, les sols agricoles devront notamment faire face à une érosion hydrique accrue en raison des précipitations plus intenses. L’érosion éolienne risque également de s’accentuer dans la province. Ce type d’érosion, au cours duquel les particules de sol sont détachées puis transportées sous l’action du vent, dépend en effet d’un ensemble complexe de facteurs (vitesse du vent, précipitations, taux d’humidité du sol, texture et agrégation du sol, régie culturale, couverture végétale, etc.), dont certains pourraient être modifiés suite aux changements climatiques. Bien que la quantité totale de précipitations en été ne soit pas amenée à changer, l’accroissement prévu des températures risque notamment d’engendrer une plus forte évapotranspiration dans les champs, ce qui devrait réduire le contenu des sols en eau et conséquemment augmenter le risque d’érosion éolienne. Les épisodes de sécheresse augmenteraient également la vulnérabilité des sols face à ce phénomène. Ce type d’érosion est loin d’être négligeable, car la migration des particules fines de la couche arable du sol vers l’extérieur des parcelles entraîne une perte de nutriments et une réduction de la qualité des sols, ce qui aura des répercussions sur la productivité future des terres affectées.

Effet de l'érosion éolienne sur un sol à nu avec emportement des particules de sol du champ vers le fossé.

 

Crédit : Jesse Pelletier

 

Les systèmes agroforestiers aident à protéger les sols contre l’érosion

 

L’implantation de haies brise-vent en bordure des champs est une des solutions efficaces pour contrer l’érosion éolienne du sol. Les haies brise-vent diminuent la vitesse du vent et donc la force d’arrachement qu’il exerce sur les particules de sol : elles créent ainsi des zones considérablement moins sensibles à l’érosion éolienne. Par ailleurs, bien que cela ne soit pas lié au microclimat, les feuillus, en libérant leur feuillage à l’automne, augmentent la teneur du sol en matière organique. Ce faisant, l’agrégation des particules de sol est améliorée, ce qui devrait là encore diminuer la vulnérabilité des sols face à l’érosion éolienne. Les haies brise-vent et les systèmes agroforestiers intraparcellaires constituent donc des éléments avantageux à intégrer dans un plan de gestion des risques climatiques sur la ferme entraîne une diminution de l’érosion éolienne.

2.4 Santé et bien-être animal

 

Protection contre les températures élevées et l’exposition au soleil

L’augmentation des températures causera un stress thermique supplémentaire aux animaux d’élevage et risque de nuire à leur santé et à leur productivité.

 

Les changements climatiques qui toucheront le Québec au cours des prochaines décennies auront fort probablement un impact sur le bien-être et la santé des animaux de ferme. L’accroissement des températures estivales pourrait notamment augmenter le stress thermique chez les animaux, affectant la productivité des troupeaux. Sous certaines conditions climatiques, appelées à varier en fonction de la température, de l’humidité, de la radiation solaire et du vent, les animaux atteignent effectivement des températures corporelles au-delà desquelles ils ne sont plus en mesure de s’adapter facilement. Passé un certain seuil critique, non seulement les animaux utilisent une partie de leur énergie pour réguler leur température corporelle61, mais ils réduisent aussi leur consommation alimentaire, ce qui conduirait à une baisse de productivité29, 55. La probabilité de mortalité par excès de chaleur (hyperthermie) dépend pour sa part de l’intensité et de la durée du stress thermique vécu29. Dans les prochaines décennies, les conditions propices aux épisodes de stress thermique devraient être de plus en plus fréquentes.

 

 

Le pâturage sous les arbres contribue à réduire le stress thermique des animaux.

 

De par l’ombrage qu’ils procurent, les arbres peuvent être particulièrement utiles pour réduire le stress thermique des animaux au pâturage. Intégrer des animaux au sein de systèmes agroforestiers intraparcellaires paraît particulièrement avantageux puisque les zones d’ombre sont bien réparties au sein des parcelles, que les températures y demeurent relativement fraîches et qu’un certain flux de vent est maintenu au sein des pâturages (ce qui contribue également à abaisser la température corporelle des animaux).

Dans les périodes chaudes de la journée, les animaux peuvent trouver un peu de fraîcheur à l’ombre des arbres. L’ombre fournie par les systèmes agroforestiers s’avère particulièrement précieuse durant les périodes de canicule.

 

Crédit : Cécile Tartera

 

Protection face au refroidissement éolien durant la saison froide pour les animaux

L’exposition au froid intense affecte la santé et la productivité des animaux élevés en plein air.

 

Même si de manière générale, les températures hivernales moyennes devraient être en hausse au cours des prochaines décennies au Québec, il y aura encore des épisodes de froid intense auxquels il faudra s’adapter. Dans les élevages en plein air, le froid peut engendrer des stress importants chez les animaux lorsque les températures atteignent un seuil inférieur critique. Les pertes de chaleur sont accrues par l’exposition aux vents (phénomène de refroidissement éolien). Une plus grande partie de l’énergie qu’ils produisent doit alors être consacrée à la régulation de leur température corporelle, ce qui peut limiter la productivité des troupeaux (par exemple, les gains de poids obtenus)29. Pour faire face au stress induit par le froid, les animaux adoptent différentes stratégies (recherche d’un abri, rassemblement du troupeau pour limiter les pertes de chaleur), ce qui peut réduire le temps consacré au broutage et avoir également un impact sur le plan de la productivité1. Dans les cas extrêmes, le refroidissement éolien conduit à des situations d’hypothermie, voire même de mortalité, en particulier chez les nouveau-nés et, dans le cas des brebis, chez les bêtes récemment tondues29, 31.

 

 

Les haies brise-vent protègent les animaux élevés en plein air durant la saison froide en limitant l’effet du refroidissement éolien.

 

Le microclimat engendré par les systèmes agroforestiers joue un rôle bénéfique pour minimiser le refroidissement éolien subi par les troupeaux. Des chercheurs rapportent en effet que la diminution de la vitesse du vent dans les systèmes avec des haies brise-vent permet de limiter les pertes de chaleur subies par les animaux31, 61. Une revue de différentes études conduites en Australie et en Nouvelle-Zélande révèle également que les haies brise-vent entraînent souvent une réduction du taux de mortalité des agneaux nouveau-nés (certaines études rapportant un taux de réduction de mortalité de 50 %)4. Les systèmes agroforestiers constitueraient donc une avenue intéressante pour contribuer au bien-être animal et minimiser les pertes économiques durant la saison froide (voir section Rendement des productions animales).

2.5 Efficacité énergétique et coût de déneigement

La présence de haies brise-vent peut être judicieusement utilisée pour protéger les bâtiments de ferme et les habitations contre les effets néfastes du vent. Un tel aménagement permet entre autres de diminuer les coûts de chauffage des bâtiments liés au refroidissement éolien en hiver. De plus, des haies constituées d’une bonne proportion de conifères (porosité hivernale de 40
à 50 %) et implantées à des endroits stratégiques favorisent une accumulation de neige plus importante à proximité de la haie, libérant ainsi les chemins d’accès et autres installations des amoncellements de neige65 et réduisant du même coup la facture associée aux frais de déneigement.

Un brise-vent bien choisi et bien placé réduit les coûts de chauffage
et de déneigement.

Des haies brise-vent combinant une juste proportion de feuillus et de conifères permettent notamment de protéger les bâtiments agricoles contre le refroidissement éolien.